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Après Gloria (), remake du film de John Cassavetes de , Sidney Lumet semblait sêtre définitivement retiré dans le monde de la télévision. Cependant, dix ans après, il tente un come-back avec Jugez-moi Coupable, un film de procès comme le réalisateur sait bien le faire. Son film suivant, 7h58 ce Samedi-là renoue avec tous ses thèmes chers et trouve lui aussi parfaitement sa place dans la filmographie de son auteur. Avec ce film dur et violent, le réalisateur de 83 ans parvient à nous montrer quil na rien perdu de sa force habituelle.
On suit le destin tragique de deux frères en manque pressant dargent. Ils décident de faire le braquage de la bijouterie de leurs parents alors quils sont absents. Ils connaissent parfaitement les lieux et savent que lassurance pourra indemniser Papa et Maman. Lidée parait simple mais, lorsque le braqueur et le vendeur ne sont plus les mêmes personnes, les choses se passent autrement. Confrontés à la mort (involontaire) de leur mère, les deux frères (indirectement responsables) connaissent alors une dangereuse descente en enfer. Construit en un véritable puzzle comme pour montrer le désarroi complet des personnages, le film, avec sa rigoureuse structure en flashbacks, alterne les différents points de vue des protagonistes.
Tout dabord, 7h58 ce Samedi-là ressemble grandement à deux autres films du réalisateur. En effet, on pense à Un après-midi de Chien () pour le braquage qui foire. De plus, lentreprise familiale criminelle rappelle de façon évidente Family Business ().
Mais surtout, on retrouve dans 7h58 ce Samedi-là la constante tension et la nervosité qui caractérisent toute lœuvre de Sidney Lumet. La tension est dorigine diverse : lemprise de la peur due à une supériorité (La Colline des Hommes perdus de et Piège mortel de ), un traumatisme ou une obsession (Le Prêteur sur gages de The Offence de , Equus de et A la recherche de Garbo de ), le monde du travail ( Main basse sur la télévision de et tous les films mettant en scène des policiers), la guerre des nerfs et la guerre froide (Point Limite de), un procès (Douze Hommes en Colère de , Le Verdict de ) ou un huis clos (la majorité des films de Lumet ont très souvent des sources théâtrales). Ici, dans 7h58 ce Samedi-là, les deux frères sont déchirés mentalement par le sentiment de la culpabilité et du regret. La tension est aussi celle de la domination mentale quexerce le frère ainé sur son cadet.
Le sentiment dimpuissance face à une machination infernale dont on est dailleurs responsable, déjà présente dans Point-Limite (), est au cœur de 7h58 ce Samedi-là. Cette impuissance est aussi celle que lon ressent face aux nouvelles technologies. Dans le film, les téléphones portables ne fonctionnent jamais : lorsquon les clape, ils se cassent et lorsquon les utilise, on tombe toujours sur des messageries, signe révélateur du manque de communication et de lincompréhension entre les individus.
Les personnages de 7h58 ce Samedi-là sont en effet en constant décalage ; ils sentrecroisent ou se ratent. Lumet adopte lui un regard de moraliste : la plus grande attention que porte le père à son fils cadet et la jalousie du fils ainé qui en découle semblent presque être responsables de la destruction progressive de la cellule familiale. En effet, 7h58 ce Samedi-là est plus quun drame, cest une tragédie. Tout dabord, il y a ce titre, tiré dun proverbe irlandais ("May you be in heaven half an hour before the devil knows you're dead.") qui annonce bien le ton pessimiste du film : il suffit dun rien pour quune simple vie ne se transforme en un véritable cauchemar. Ensuite, il y a ces nombreuses références : lun des deux frères assiste à la représentation théâtrale de fin dannée scolaire de son fils. Dans la pièce, ce dernier tient le rôle principal, un personnage royal, caractéristique de la tragédie. Cest aussi ce même fils qui réclame de largent pour pouvoir assister à une représentation du Roi Lion qui est une réécriture déguisée dHamlet de Shakespeare.
Dans 7h58 ce Samedi-là, le monde est très petit (un des deux frères a pour maîtresse la femme de lautre) et semble être réduit à celui de la famille. Mais celui-ci court à sa destruction : les frères en arrivent à sentretuer et le père à assassiner son fils. La noirceur du film est alors à son paroxysme.
Mais Lumet fait parfois preuve dune ironie grinçante comme en témoigne la scène où le frère ainé se rend à son rendez-vous habituel pour se droguer : un dessin animé de Tex Avery passe alors à la télévision. Le cartoon nest pas choisi au hasard puisquil sagit de Jerkey Turckey (, parfois traduit en français par Digne Dindon), course poursuite entre une dinde et un chasseur lors de Thanksgiving et dont la morale est plus ou moins tel est pris qui croyait prendre . Alors que le frère regarde létendue de la ville de New York à travers une baie vitrée, nous entendons en bande-son un célèbre air traditionnel américain. Le regard de Lumet est cynique : lAmérique quil montre est une Amérique malade, droguée, frustrée par le monde du travail et pervertie par largent. Ce monde malsain qui a même parfois recours au chantage causera la destruction mentale des personnages de notre histoire.
7h58 ce Samedi-là montre aussi un monde du travail aseptisé, très propre et composé de cadres aux cravates de couleurs uniformes. Dans cet univers géométrique, un des frères se doit de tout violemment déranger dans son appartement : dans une scène effrayante, il saccage et renverse tout dans un grand moment de désespoir (sa femme vient en plus de le quitter) afin dajuster son environnement à son désastre mental.
La distribution de 7h58 ce Samedi-là est portée par dexcellents acteurs. Lumet allie avec merveille ancienne et nouvelle génération : Phillip Seymour Hoffman et Ethan Hawke, les deux frères, sont remarquables et Albert Finney (qui avait déjà tourné avec Sidney Lumet dans Le Crime de lOrient-Express, réalisé en , dans lequel il jouait Hercule Poirot) est parfait en vieux patriarche. En plus de la rigoureuse photographie de Ron Fortunato[1], le film bénéficie dune musique prenante de Carter Burwell. La mise en scène de Lumet est très efficace mais cependant le film nest pas sans défauts. En effet, le scénario se recoupe trop bien et on peut lui reprocher sa noirceur excessive qui peut paraitre invraisemblable ainsi que sa fin trop pessimiste et dérangeante. 7h58 ce Samedi-là est donc un film très dur, violent et émouvant. Toutefois, si Sidney Lumet na rien perdu de sa force, ce nest surement pas son meilleur film.
[1] Ron Fortunato a signé la photographie des films de Lumet depuis son passage à la télévision. Il a fait la photographie des épisodes de la série TV Centre Street (, traduit en français par Tribunal Center), du téléfilm The Strip Search (, traduit en français par Mise à nu) et du film Jugez-moi coupable ().